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Vaccination anti-polio à Gaza : un succès "qui montre que l'on peut faire entrer plus d'aide"


Campagne éclair

Vaccination anti-polio à Gaza : un succès « qui montre que l’on peut faire entrer plus d’aide »

Moins d’un mois après la découverte d’un premier cas de polio à Gaza, près de 600 000 enfants de l’enclave palestinienne ont été vaccinés lors d’une campagne éclair menée par les agences de l’ONU et le ministère de la Santé du Hamas. Une preuve que les pauses humanitaires fonctionnent, selon l’Unicef qui appelle les autorités israéliennes à faciliter les livraisons d’aide aux civils.

Des médecins palestiniens administrent des vaccins contre la polio à des enfants dans la clinique du quartier d'al-Daraj dans la ville de Gaza, le 10 septembre 2024, alors que la guerre entre Israël e
Des médecins palestiniens administrent des vaccins contre la polio à des enfants dans la clinique du quartier d’al-Daraj dans la ville de Gaza, le 10 septembre 2024, alors que la guerre entre Israël et le mouvement palestinien Hamas se poursuit. © Omar Al-Qattaa, AFP

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À Gaza, la campagne de vaccination touche au but. « Nous avons probablement atteint l’objectif fixé », s’est félicité, jeudi 12 septembre, le Dr Richard Peeperkorn, représentant de l’OMS dans les territoires palestiniens occupés, au cours d’un point de presse.

Deux jours plus tôt, les agences humanitaires des Nations unies avaient annoncé le début de la troisième et dernière phase de l’opération d’urgence destinée à immuniser un minimum de 575 000 enfants de moins de 10 ans contre la maladie infectieuse aiguë.

Cette campagne à grande échelle a débuté le 1er septembre dans l’enclave palestinienne – dans le centre, le sud puis dans le nord – suite à la découverte quinze jours plus tôt d’un cas de polio chez un bébé de 10 mois. Le premier cas depuis 25 ans dans l’enclave palestinienne.

Une seconde campagne vaccinale est prévue dans quatre semaines, les enfants devant recevoir deux gouttes supplémentaires du vaccin nVPO2, délivré par voie orale, pour être immunisés. 

Plus de 230 équipes humanitaires ont participé à la distribution et à l’administration des vaccins selon le ministère de la Santé du Hamas, qui dirige Gaza, lors de cette mission visant à prévenir la propagation du poliovirus, pouvant provoquer fièvre, fatigue, vomissements, et dans les cas plus graves des lésions nerveuses et paralysies.

Pour permettre le déploiement des équipes et du matériel, l’armée israélienne a consenti à des « pauses humanitaires » qui ont globalement fonctionné, malgré quelques incidents dont des contrôles excessifs et notamment la détention pendant plusieurs heures d’un convoi de l’ONU par Israël.

Une souche vaccinale modifiée

La présence du poliovirus à Gaza avait initialement été détectée en juillet, lors de tests sur les eaux usées conduits par les autorités de l’enclave et l’Unicef, dans les villes de Khan Younès et Deir al-Balah. Des échantillons avaient été envoyés au laboratoire national jordanien de la polio, qui a confirmé la présence du poliovirus.

« Ces tests dans les eaux usées permettent de sonner l’alerte avant les premiers cas, car elles offrent un reflet des virus présents dans le tube digestif » souligne Anne-Claude Crémieux, épidémiologiste, professeure en maladies infectieuses à l’hôpital Saint-Louis.

Les études révèlent alors que le poliovirus présent à Gaza est un variant, dérivé d’une souche vaccinale de type 2 (PVDVc2), détectée pour la dernière fois en Égypte en 2023.

« Un des deux vaccins contre la polio utilise des souches atténuées. Il s’est montré très efficace et a quasiment fait disparaitre les cas de poliomyélite chez l’enfant. Il a aussi un inconvénient : la souche utilisée pour le vaccin peut se modifier et retrouver sa virulence au sein d’une population insuffisamment vaccinée. C’est le cas ici », souligne l’experte. 

Un premier cas a été annoncé par le ministère de la Santé du Hamas, le 16 août. Suspectant une paralysie flasque aiguë (PFA) un symptôme courant de la poliomyélite, l’équipe médicale avait envoyé un échantillon de selles au même laboratoire, qui a confirmé l’infection au poliovirus.

Très contagieuse, la maladie touche en priorité les enfants de moins de cinq ans et se transmet par contact avec des objets, des boissons ou de la nourriture souillés par des matières fécales. 

« Il était urgent d’agir car le risque de propagation à Gaza était très élevé » souligne Tes Ingram, porte-parole d’Unicef qui participe à la campagne vaccinale. « Depuis le début de la guerre il y a onze mois, le taux de couverture vaccinale contre la polio a baissé à 89 %, alors qu’il était encore de 99 % en 2022 » indique-t-elle.



Une dangereuse pénurie d’eau potable

À cela s’ajoutent les conditions d’hygiènes déplorables dans le territoire, liées à la destruction des habitations, des sites d’assainissement et d’approvisionnement en eau ou bien encore de nombreuses infrastructures de santé.

“Les habitants dépendent des livraisons par camion d’eau potable, doivent parfois attendre des heures et n’ont pas assez d’eau pour se laver, boire et cuisiner » explique Tes Ingram. « L’hygiène de base y est impossible du fait des pénuries et de l’inflation. Même le prix du savon a explosé de plus de 1 000 %. Dans ce contexte la maladie aurait pu se répandre très vite et provoquer une crise sanitaire régionale, car la polio ne connait pas de frontières ».

« De nombreux Palestiniens et Palestiniennes survivent désormais en consommant à peine 3 % de leur besoin quotidien en eau », alertait en juin Médecin sans Frontières, l’un des principaux acteurs humanitaires et médicaux de Gaza, alertant sur la rapide progression de maladies comme la diarrhée et l’hépatite.

« L’armée israélienne bloque les livraisons de tablettes de chlore, qui permettent de rendre l’eau potable, au motif que celles-ci peuvent avoir un « double usage » et être utilisées pour fabriquer des armes chimiques » explique Amber Alayyan, responsable médicale Moyen-Orient pour MSF. « Cette classification est un problème qui favorise le développement de maladies dans l’enclave » déplore-t-elle.

À lire aussi« Plus de 186 000 morts » à Gaza : quelle fiabilité pour l’estimation publiée sur le site The Lancet ?

Campagne vaccinale « la plus dangereuse du monde »

« Dans cette campagne vaccinale, le plus gros défi était l’acheminement des vaccins, du matériel médical et d’assurer la chaine du froid » explique la porte-parole de l’Unicef Tes Ingram. « L’accès aux populations était également un enjeu majeur car la quasi-totalité des habitants de Gaza ont été déplacés au moins une fois en près d’un an de guerre » souligne-t-elle.

L’opération s’est déroulée en trois phases de trois à quatre jours chacune, entrecoupées de jours de « transition » pour permettre le déplacement des équipes et du matériel au sein du territoire. La mission a débuté dans le centre, où sont basées la plupart des organisations humanitaires, avant de se déplacer dans le sud puis dans le nord, zone la plus durement touchée par les bombardements israéliens et la plus difficile d’accès.

Pour permettre cette campagne, Israël avec accepté de mettre en place des pauses humanitaires de 6 h du matin à 15 h. « Ce facteur a été déterminant, les gens ont pu se rassembler dans des endroits précis malgré les difficultés de transport sur des routes souvent détruites et les pénuries d’essence » salue Tes Ingram. « Les conditions étaient pourtant loin d’être idéales car l’armée israélienne a continué ses bombardements à Gaza. Cette campagne de vaccination est probablement la plus dangereuse, aujourd’hui dans le monde ».

Mercredi, six membres de l’Unrwa (l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens) ont péri dans une frappe israélienne contre une école abritant des déplacés dans le camp de Nousseirat situé dans le centre de la bande de Gaza. Dix-huit personnes au total sont mortes selon les secouristes, dans cette attaque visant, selon Israël, des « terroristes » du Hamas.

Dans la nuit de lundi à mardi, une autre frappe israélienne contre un « centre de commandement » du Hamas a causé la mort de plusieurs dizaines de personnes dans la zone humanitaire d’Al-Mawasi à Khan Younès, dans le sud de l’enclave.

Plus tôt dans la journée, un camion des Nations unies avait été bloqué pendant plusieurs heures par l’armée israélienne, alors qu’il se rendait dans le nord dans le cadre de la campagne vaccinale. Il a finalement été forcé de rebrousser chemin en dépit d’avoir toutes les autorisations nécessaires, selon Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU.

Seconde campagne vaccinale dans quatre semaines

Malgré les nombreuses difficultés rencontrées, Tes Ingram se félicite du succès de la campagne vaccinale. « Cette mission est la preuve que l’on peut faire entrer plus d’aide et protéger les civils. L’armée israélienne doit étendre cet accès à tous les domaines de l’aide humanitaire ».

Selon l’OCHA, le bureau des affaires humanitaires de l’ONU, le volume d’aide quotidien moyen de l’aide humanitaire entrant à Gaza a diminué de plus de 50 % entre avril et août.

« Depuis l’opération terrestre de l’armée israélienne à Rafah, il y a quatre mois, il est très difficile de faire rentrer de l’aide humanitaire depuis l’Égypte » alerte Amber Alayya, appelant à la mise en place de corridors humanitaires.  

Alors que les négociations pour la mise en place d’un réel cessez-le-feu piétinent, les organisations humanitaires espèrent à minima pouvoir bénéficier à nouveau de pauses humanitaires pour la deuxième campagne de vaccination qui doit débuter dans quatre semaines.

« Nous sommes évidemment heureux de la réussite de cette campagne mais il ne faut pas perdre de vue les raisons qui l’ont rendue nécessaire : la destruction, la promiscuité et le manque d’eau potable. Ce sont ces causes que nous devons traiter et pas seulement les conséquences » rappelle Amber Alayyan.

Pour les organisations humanitaires, la réapparition de la polio dans l’enclave n’est que la partie émergée de l’iceberg. Elles s’inquiètent en particulier de la progression rapide de maladies de peaux chez les enfants comme les éruptions cutanées et la gale. Des maladies « largement sous-traitées », explique Tes Ingram du fait du manque de moyens et de personnels dans les rares hôpitaux encore fonctionnels de Gaza, débordés par le flot quasi-continu de blessés graves.

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Source: www.france24.com

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