Azerbaïdjan : un Français condamné à 3 ans de prison pour des graffitis
Alors que ses deux co-accusés ont écopé de simples amendes, Théo Clerc, 38 ans, a été condamné le 10 septembre lors d’un jugement «ouvertement discriminatoire» selon le Quai d’Orsay, sur fond de tensions diplomatiques entre Paris et Bakou.
«Je ne représente pas la France. S’il y a des tensions entre les pays, pourquoi devrais-je être puni pour cela ?» Théo Clerc, Français de 38 ans, a été condamné ce 10 septembre à 3 ans de prison ferme en Azerbaïdjan pour des graffitis dans le métro de Bakou, la capitale. Ses deux co-accusés, arrêtés comme lui en avril et poursuivis pour les mêmes faits, mais respectivement de nationalité néo-zélandaise et australienne, ont été condamnés à une simple amende de 3600 euros.
Les accusations d’«hooliganisme» (utilisation de formes de violence par des fans de sport) et la responsabilité des dégâts estimés à 4850 manats (2500 euros) étaient pourtant les mêmes pour les trois hommes. Lors de l’enquête, les accusés avaient expliqué être trois amis partis en voyage en Azerbaïdjan en tant que touristes. Ils ont reconnu avoir peint ces graffitis, mais ont nié toute démarche politique ou violente, se présentant comme simples artistes. «La Cour n’a relevé aucune différence dans les accusations, à part leur nationalité. Mais elle n’a fait aucun commentaire sur la différence de sanction», indique au Figaro le cabinet de l’avocat de Théo Clerc, estimant cette inégalité forcément liée à la nationalité française de leur client.
Contacté par Le Figaro, le Quai d’Orsay dénonce un «traitement arbitraire ouvertement discriminatoire» envers le citoyen français. Selon une source diplomatique, dès l’arrestation de Théo Clerc en avril, l’ambassade de France à Bakou a pris attache avec les autorités azerbaïdjanaises compétentes pour exercer la protection consulaire, conformément aux dispositions de la convention de Vienne. L’ambassade a notamment «assisté à toutes les audiences du procès», affirme cette source.
L’Azerbaïdjan déconseillé «sauf raison impérative»
Cette décision survient sur fond de fortes tensions diplomatiques entre la France et l’ancienne république soviétique du Caucase. Le 5 septembre, le Quai d’Orsay a mis à jour ses recommandations pour les ressortissants français souhaitant se rendre en Azerbaïdjan. Dans ce pays où doit se dérouler en novembre prochain la COP 29, il est désormais déconseillé, y compris pour les binationaux, de se rendre «sauf raison impérative». Le centre de crise et de soutien du ministère français des Affaires étrangères met en garde contre «un risque d’arrestation, de détention arbitraire et de jugement inéquitable», avec «de lourdes condamnations à des peines d’emprisonnement au terme de procès qui peuvent ne pas respecter les droits de la défense».
«Ce risque peut concerner notamment les personnes effectuant une simple visite touristique, un voyage d’affaires», ajoute la nouvelle consigne en vigueur. L’avertissement a déclenché un démenti acerbe du gouvernement azéri, qui a condamné «une affirmation infondée est une distorsion de la réalité».
Théo Clerc n’est pas le seul Français détenu à Bakou. Un autre citoyen français, Martin Ryan, a été arrêté en Azerbaïdjan en janvier dernier pour soupçons d’espionnage. Derrière ces accusations, Bakou reproche à la France d’être alliée de l’Arménie, qui a soutenu pendant trois décennies les habitants de la région disputée du Haut-Karabakh finalement reconquise entièrement par l’armée azerbaïdjanaise en septembre 2023. Paris, pour sa part, accuse Bakou de chercher à s’ingérer dans sa politique intérieure, en particulier lors de la crise en Nouvelle-Calédonie.