bonne solution ?
Baisser la vitesse sur le périphérique parisien, une mesure efficace contre la pollution de l’air ?
La maire de Paris, Anne Hidalgo, a annoncé lundi que la vitesse de circulation sur le périphérique parisien sera limitée à 50 km/h à partir du 1er octobre, invoquant une mesure « de santé publique ». L’impact sur la pollution de l’air pourrait cependant être limité, sauf si d’autres mesures étaient aussi prises pour aider à fluidifier le trafic.
Publié le :
La mesure était dans les tuyaux depuis plusieurs années. La maire de Paris, Anne Hidalgo, a fini par sauter le pas. La limitation de la vitesse sur le périphérique parisien passera à 50 km/h maximum le 1er octobre, contre 70 km/h aujourd’hui, a-t-elle annoncé lundi 9 septembre.
« Pour les 50 km/h, ça relève de ma décision. Ce sera le 1er octobre. On y travaille depuis 18 ans, donc ce n’est pas un sujet nouveau », a-t-elle déclaré sur RTL.
L’édile socialiste avait déjà évoqué cette initiative en 2020, au moment de sa candidature à sa réélection aux élections municipales. Elle avait réitéré son projet en novembre 2023, lors de la présentation du « Plan Climat » de la Mairie de Paris.
L’objectif affiché est triple : baisser la pollution atmosphérique, diminuer les nuisances sonores pour les riverains et réduire le nombre d’accidents de la circulation. C’est « une mesure de santé publique pour les 500 000 personnes qui vivent aux abords du périphérique », résume ainsi Anne Hidalgo.
Ce n’est pas la première fois que la vitesse maximale autorisée sur cette ceinture de 35 km autour de la capitale baisse d’un cran. À son inauguration en 1973, la vitesse y était de 90 km/h. Elle est passée à 80 km/h en 1993 puis à 70 km/h en 2014.
Un impact limité sur la pollution de l’air
Il est cependant difficile de prévoir l’impact de cette nouvelle limitation sur la pollution atmosphérique.
Pour cause, on considère généralement que plus une voiture roule vite, plus elle consomme de carburant et plus elle émet de gaz à effet de serre. Dans cette logique, si on diminue la vitesse, on limite les émissions. Mais ce n’est pas si simple. Dans une vaste étude portant sur les « impacts des limitations de vitesse sur la qualité de l’air, le climat, l’énergie et le bruit », menée en février 2014, l’Ademe, l’agence de la transition écologique, explique que la courbe des émissions des véhicules fonctionne en réalité en U, c’est-à-dire que les émissions sont les plus fortes à des vitesses hautes et basses.
Baisser la vitesse de 130km/h à 110km/h sur l’autoroute, assure l’organisme, permet ainsi bel et bien de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, d’environ 20 %. En revanche, passer de 70 à 50km/h, ou même de 50 à 30 km/h offre des résultats plus contrastés.
« Il y a un optimum entre 30 et 70 km/h concernant les émissions de polluants »- « c’est là que le moteur est le moins polluant à vitesse constante, confirme auprès de Ouest France Karine Léger, directrice d’AirParif, l’organisme qui mesure la qualité de l’air en Île-de-France. Autrement dit, avec une vitesse limitée entre 30 et 70 km/h, l’impact sur la qualité de l’air est semblable.
Dans cette fourchette, l’impact d’une baisse de la vitesse sur la qualité de l’air dépendra alors de tout un tas d’autres facteurs, comme le type et l’âge des véhicules, leur charge ou encore les conditions de circulation. « Si votre véhicule est équipé d’un moteur thermique ou électrique, s’il est ancien, si vous avez une conduite souple ou plus nerveuse, l’effet du ‘stop & go’ (s’arrêter régulièrement et repartir), les conditions de circulation, tout cela va jouer sur le niveau de pollution », insiste Karine Léger.
« Depuis dix ans et le passage à 70km/h au lieu de 80 km/h, on a vu une baisse de 30 % des émissions des principaux polluants dus à l’automobile, comme le protoxyde d’azote et les particules fines », salue Tony Renucci, directeur de l’association Respire, qui œuvre pour l’amélioration de la qualité de l’air dans la capitale. « Mais cela était aussi concomitant avec un renouvellement du parc automobile et une diminution du trafic sur le périphérique. Il est donc difficile de quantifier quel rôle a joué chaque facteur dans l’amélioration de la qualité de l’air. »
Fluidifier le trafic
« Cette mesure sera efficace si elle entraîne des évolutions d’usage et permet de fluidifier le trafic », poursuit Tony Renucci.
Toujours selon l’Ademe, la baisse d’une limitation de vitesse entraîne souvent d’autres effets positifs pour l’environnement : elle favorise le report vers d’autres mobilités en les rendant plus attractives, notamment les transports en commun, par exemple, et fait baisser le nombre de kilomètres moyens parcourus par les individus.
Si cela peut « décourager certains automobilistes à prendre leur voiture, [les inciter] à faire du covoiturage ou à prendre le bus, là, l’impact sur la qualité de l’air sera certain puisqu’il y aura moins de véhicules en circulation », confirme le directeur de l’association Respire.
Dans cette même dynamique, Tony Renucci salue ainsi un autre projet d’Anne Hidalgo : maintenir les voies réservées mises en place pendant les Jeux olympiques et paralympiques. La maire de Paris a en effet appelé à « maintenir une voie de covoiturage qui serait réservée aux taxis, aux particuliers qui circuleraient à plusieurs et aux transports en commun ». « Cela se fait déjà dans de nombreuses villes du monde, notamment aux Etats-Unis et permettrait de diminuer le nombre de voitures sur la route », salue-t-il. Au total, plus d’un million de véhicules empruntent le périphérique chaque jour et 80 % des conducteurs roulent seuls dans leur voiture.
Des effets sur la pollution sonore et le bruit
Au-delà de la qualité de l’air, cette mesure doit aussi permettre de réduire les nuisances sonores pour les riverains. « La pollution sonore empoisonne la vie des habitants à proximité du périphérique », avance David Belliard, adjoint à la maire de Paris en charge de la transformation de l’espace public, des transports et des mobilités.
Selon Bruitparif, l’observatoire du bruit en Île-de-France, la limitation à 50km/h permettrait de réduire le bruit de 2 à 3 décibels pendant la nuit, au moment où les voitures roulent le plus vite. La journée, l’impact serait cependant seulement de 0,5 à 1 décibel.
Enfin, la sécurité est l’autre grand argument avancé par Anne Hidalgo. Selon plusieurs travaux du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema), le « choc est deux fois plus violent » à 70 km/h plutôt qu’à 50 km/h. En 2015, un an après l’abaissement de la vitesse à 70 km/h, le nombre d’accidents avait chuté de 13,2 %, fait valoir la mairie de Paris.
Face aux incertitudes, l’opposition dénonce de son côté une mesure prise « sans étude d’impact préalable ». « Quel est le risque de congestion du trafic ? Son impact réel sur la pollution sonore ? Prendre une décision aussi structurante sans évaluation préalable, je ne suis pas d’accord », a ainsi réagi l’élue LR Valérie Montandon. La décision a été prise « sans concertation, sans consultation et surtout sans étude préalable », regrette quant à lui Pierre Liscia, conseiller régional d’Île-de-France, dénonçant une mesure « prématurée ». Anne Hidalgo doit apporter « des garanties sur les itinéraires de report, sur la baisse du bruit, sur la baisse de la pollution. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas ».
Si la mesure passe le dernier obstacle de la validation par l’État – sa vitesse maximale est en effet régie par le code de la route et ne peut être modifiée que par décret pris par le gouvernement, Paris deviendra au 1er octobre l’une des villes du monde avec le périphérique le plus lent au monde. La limite de 50 km/h ne se retrouve en effet que sur le périphérique de Tokyo, au Japon, et sur certaines portions seulement.
Le résumé de la semaineFrance 24 vous propose de revenir sur les actualités qui ont marqué la semaine