« C’est un athlète phénoménal » : Markus Rhem, le « Blade Jumper » du saut en longueur, a récidivé
L’Allemand n’est pas parvenu à s’approcher des 9 m comme il l’espérait, mais il a surclassé la concurrence et décroche, ce mercredi soir au Stade de France, son quatrième titre paralympique au saut en longueur.
Il rêvait d’être le premier sauteur en longueur de l’histoire à dépasser le mur des 9 m. Sauter plus loin que les Owens, Beamon, Lewis, Powell, c’est à ça qu’aspire Markus Rehm. L’Allemand devra se « contenter », ce mercredi soir, d’un nouveau titre de champion paralympique, le quatrième pour cet athlète de 36 ans. Son meilleur saut du jour reste très correct, mesuré à 8,13 m, et lui aurait permis d’accrocher la sixième place aux Jeux olympiques il y a quelques semaines.
« C’était incroyable, jubilait-il après coup, même s’il regrettait de ne pas avoir su parfaitement régler sa lame. La compétition était un peu difficile. L’objectif était de défendre le titre. Cela semble irréel qu’après tant d’années que je sois toujours invaincue. C’est un grand honneur. » S’il est resté à distance de sa meilleure performance de la saison (8,44 m), Rehm n’a pas vraiment été inquiété dans cette finale des T64 (sauteur ayant une déficience de la partie inférieure d’une jambe, ou l’absence d’une ou des deux jambes au-dessous du genou).
« La concurrence est de plus en plus forte, ce sera donc beaucoup plus difficile qu’avant, avait-il pourtant prévenu au début des Jeux. Il y a deux gars des États-Unis qui essaient de me chasser et d’obtenir cette médaille d’or. »
Un des derniers relayeurs de la flamme place la Concorde
Derek Loccident et Jarryd Wallace ont en effet tout tenté et animé ce concours mais doivent se contenter des médailles d’argent et de bronze paralympiques. « C’est un athlète phénoménal, commentait le second nommé. Il a montré aujourd’hui que sa moyenne de sauts était de huit mètres, sur tout le concours. Il a fait des merveilles. »
Pour Markus Rehm, que les Français ont découvert la semaine dernière au milieu de la place de la Concorde puisqu’il faisait partie des derniers porteurs de la flamme lors de la cérémonie d’ouverture de ces Jeux, c’est une ligne de plus à un palmarès déjà exceptionnel. Quadruple médaillé paralympique dont trois fois en or, il détient le record du monde sa catégorie, avec un saut 8,72 m réalisé en juin 2023. Il est aussi sept fois champion du monde de sa discipline et est devenu le visage du para sport dans son pays. Ces derniers jours, on l’a notamment vu à la une du magazine GQ.
Percuté par un bateau à 14 ans alors qu’il faisait du wakeboard avec son père, Rehm a perdu sa jambe en 2003 et s’est tourné progressivement vers l’athlétisme. « Grâce au sport, j’ai réalisé que je n’étais pas aussi handicapé que certains le pensaient, racontait-il à la Fondation allemande d’aide par le sport. D’ailleurs, je n’ai jamais aimé ce mot. Le sport m’a définitivement aidé à trouver ma propre identité. »
Et à trouver aussi une certaine notoriété. La sienne explose en 2014, quand il remporte le championnat d’Allemagne devant les valides. Longtemps, le « Blade Jumper » a espéré pouvoir concourir avec eux à très haut niveau et participer aux Jeux olympiques, comme l’avait fait avant lui Oscar Pistorius sur 400 m. Mais une étude menée par les universités de Cologne, du Texas et de Tokyo avait établi avant les Jeux de Rio en 2016, que sa prothèse, bien qu’elle le désavantage sur sa course d’élan, pouvait potentiellement améliorer sa technique de saut. La crainte de le voir être avantagé avait donc primé sur sa candidature.
« Les Jeux nous ont aidé »
Alors au quotidien, comme pour s’impliquer encore un peu plus, il a choisi le métier d’orthoprothésiste, ce qui lui fait un point commun avec le Français Dimitri Pavadé, quatrième de cette même finale ce soir. Et il a vu les mentalités évoluer. « Quand j’ai commencé dans ce métier, je devais donner une finition cosmétique aux prothèses des clients, ce qui n’est plus vraiment le cas, explique-t-il. (…) Je vois des jeunes qui pensent que c’est plutôt cool de porter une prothèse de jambe. »
Il poursuit : « Il y a quelques années, les gens essayaient de la cacher, de porter des pantalons longs et de ne pas la montrer. Mais aujourd’hui, c’est une sorte de mode, et les gens ont les couleurs les plus folles. Les Jeux nous ont certainement aidés à atteindre ce stade. » Celle qui arbore ces derniers jours au village des athlètes parait plutôt soft en la matière, et c’est bien sa lame qui continuera de faire parler s’il parvient à jour à atteindre son objectif ultime.