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Faux risques d’attentat, diffusion de rumeurs : pendant les Jeux olympiques, Viginum a détecté 43 manœuvres étrangères hostiles

Faux risques d’attentat, diffusion de rumeurs : pendant les Jeux olympiques, Viginum a détecté 43 manœuvres étrangères hostiles

Ces «manœuvres» ne sont pas précisément caractérisées, faute de capacité d'investigation de Viginum qui n'est pas un service de renseignement, et faute sans doute de volonté politique pour attribuer des responsabilités.

Ces «manœuvres» ne sont pas précisément caractérisées, faute de capacité d’investigation de Viginum qui n’est pas un service de renseignement, et faute sans doute de volonté politique pour attribuer des responsabilités.
Bernadett Szabo / REUTERS

Ces tentatives d’ingérences et manœuvres relayaient les intérêts russes, mais aussi chinois ou iraniens. Mais grâce à l’anticipation de la menace, répétée haut et fort, elles n’ont pas réussi à gâcher la fête, pointe Viginum dans un rapport.


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Les autorités s’attendaient au pire. À tel point qu’un dispositif de veille avait été mis en place dès avril 2023 pour détecter toutes les manœuvres informationnelles hostiles visant l’organisation des jeux olympiques de Paris, rassemblant les moyens du ministère des Affaires étrangères et ceux, spécialisés, de Viginum. Celles-ci n’ont pas réussi à « gâcher la fête », a conclu l’agence de vigilance contre les ingérences numériques étrangères qui a publié un rapport de synthèse vendredi. Elle y désigne deux campagnes d’ingérence et 43 manœuvres « majoritairement opportunistes ». La moitié d’entre elles s’est déroulée durant les jeux.

Les ingérences sont caractérisées par des narratifs manifestement inexacts, une amplification artificielle des messages, une volonté de nuire aux intérêts nationaux et l’implication d’un acteur étranger, selon la définition de Viginum. Il s’agit de la campagne pro-russe Matriochka, dénoncée dès janvier, qui a notamment tenté d’usurper des sites officiels, comme celui de la CIA, pour diffuser de fausses alertes sur le niveau de menace terroriste en France. L’autre, baptisée Olimpiya datant de l’été 2023, implique l’Azerbaïdjan. L’Azerbaïdjan est particulièrement active contre la France, notamment à travers le « Baku initiative group » qui attise le sentiment antifrançais en outremer.

Des manœuvres pro-russes, pro-chinoises, pro-iraniennes

Les « manœuvres » sont moins précisément caractérisées, faute de capacité d’investigation de Viginum, qui n’est pas un service de renseignement, et faute sans doute de volonté politique pour attribuer des responsabilités. Désigner des responsables étatiques ou individuels relève d’un choix politique. Dans son rapport, l’agence cite néanmoins des manœuvres relayant les intérêts russes, mais aussi chinois ou iraniens. Rien n’indique une coordination de l’ensemble des acteurs.

Viginum détaille quelques exemples de manœuvres. Il s’agit notamment d’opérations « sous fausse bannière » pour évoquer des risques d’attentat, comme cette vidéo de novembre 2023 qui met faussement en scène une organisation ultra-nationaliste turque. Le centre d’analyse de Microsoft a pointé du doigt la responsabilité de l’acteur pro-russe Storm-1516.

D’autres opérations ont cherché à exagérer des événements orchestrés dans la réalité, comme des graffitis anti-israéliens sur les murs de Paris ; d’autres ont diffusé des accusations contre des athlètes, ou des contenus pour porter atteinte à la réputation de Paris. En juin, une vidéo en mandarin, générée grâce à des logiciels d’intelligence artificielle, « comparait la Seine au Gange rempli de déchets ». La diffusion artificielle de messages par des bots et des comptes inauthentiques a été largement employée. En juillet 2023, des comptes pro-azerbaïdjanais ont diffusé des mots clés comme « BoycottParis2024 ». La polémique, bien réelle, sur la cérémonie d’ouverture a aussi été exploitée par des comptes en langue anglaise, probablement venus de la mouvance identitaire, mais aussi par le dispositif d’influence pro-chinois « Spamouflage », connu des experts de la lutte d’influence. 

Le rapport de Viginum détaille les modes opératoires employés, qui sont autant de tests. Les acteurs malveillants cherchent encore la formule la plus efficace à grand renfort de moyens financiers. Le Kremlin est soupçonné de consacrer un milliard d’euros à la lutte d’influence. « La majorité des acteurs étrangers malveillants a principalement cherché à instrumentaliser certaines audiences nationales », explique Viginum. « Cette stratégie a pour objet d’exploiter les biais cognitifs des audiences ainsi ciblées, en leur fournissant des contenus auxquels elles seront plus réceptives et donc davantage disposées à partager. Par ailleurs, la diffusion de contenus variés selon une logique multi-plateformes, traduit à la fois une volonté de diversifier les canaux pour toucher un maximum d’audiences mais aussi une intention de « tester » l’attractivité de certains sujets auprès de diverses audiences », analysent les auteurs.

La responsabilité des influenceurs

Le rapport pointe du doigt la responsabilité d’influenceurs -sans les nommer- dans la diffusion de contenu : il prend comme exemple une influenceuse « étrangère sinophone disposant d’une communauté de plus de 2,4 millions d’abonnés » qui a diffusé une vidéo critiquant l’organisation des jeux. En perçant les communautés d’influenceurs, les acteurs de la désinformation peuvent espérer élargir leur audience, explique un expert du sujet. Dépourvu de moyens d’investigation, Viginum n’est pas en mesure de déterminer si ces influenceurs sont des agents relais ou des idiots utiles.

L’anticipation de la menace, répétée haut et fort, a permis d’atténuer les attaques. Elles n’ont pas réussi à trouver prise pour modifier des comportements. « Les manœuvres identifiées ont, pour la plupart, peiné à obtenir une visibilité suffisante dans le débat public numérique francophone, pour produire des effets réels sur le bon déroulement des événements », explique Viginum dans son rapport. Mais en matière de lutte d’influence, la mesure d’une audience d’impact est une science inexacte. Pour juger des performances d’une opération, les experts s’intéressent surtout à la possibilité d’un « saut de sphère », quand un message passe d’un cercle défini, même large, à un public plus diversifié. Ce phénomène ne s’est pas produit. Les manœuvres sont « restées confinées au sein d’écosystèmes restreints, limités aux primo-diffuseurs ou à de premiers relais d’influence, sans parvenir à réellement pénétrer le débat public numérique francophone », poursuit-on.  

Il ne faut pas en conclure que toute menace a été évitée. « La faible visibilité ou l’absence d’impact apparent d’une manoeuvre ponctuelle ne doit pas éluder la nécessaire analyse des potentiels effets sur le long terme », prévient Viginum. L’agenda des acteurs de la lutte d’influence dépasse l’horizon des jeux olympiques. « En effet, la diffusion massive et régulière de narratifs polarisants ou l’instrumentalisation durable de certaines audiences ou communautés numériques peut contribuer à renforcer certaines lignes de fractures ou vulnérabilités existantes au sein de la société française », poursuit-on en livrant une mise en garde : « En amplifiant artificiellement une forme de contestation permanente, quand bien même celle-ci s’appuierait sur des faits réels, la menace informationnelle rend plus difficile la distinction entre une information manipulée et une opinion ». Le poison de la désinformation se diffuse lentement.

Source: www.lefigaro.fr

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