APRÈS PARIS 2024
L’avenir politique fantasmé de Tony Estanguet
Le rôle du président du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques, Tony Estanguet, dans l’immense succès de Paris 2024 est unanimement salué, au point que de nombreux observateurs envisagent pour lui une carrière politique. Mais le triple champion olympique ne semble pas pressé de marcher dans les pas de Guy Drut ou de David Douillet.
Publié le :
« L’homme de l’été », titrait en une Le Parisien dans son édition du dimanche 8 septembre. Devenu la figure des Jeux olympiques et paralympiques, Tony Estanguet est désormais connu de tous les Français et au-delà des frontières de l’Hexagone. Si bien que la question de son avenir occupe les esprits. Dirigeants sportifs, politiques, athlètes, médias du monde entier ont salué l’organisation des Jeux de Paris, couvrant de louanges le président du Comité d’organisation (Cojop). De quoi lui ouvrir de nombreuses portes, à commencer par celles du monde politique.
« Il apparaît aujourd’hui comme le grand architecte de cette réussite des Jeux olympiques et paralympiques. Il suffit de voir les titres de la presse française et internationale et les parallèles faits avec Sebastian Coe, qui avait organisé les Jeux de Londres 2012, aujourd’hui possible futur patron du CIO [Comité international olympique], pour comprendre que Tony Estanguet est effectivement le gagnant incontestable de Paris 2024. Contrairement à Anne Hidalgo ou Emmanuel Macron, il n’a que des dividendes positifs à faire valoir », analyse Jean-Baptiste Guégan, spécialiste en géopolitique du sport, auteur de plusieurs ouvrages.
Lors de la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques, dimanche 8 septembre, le contraste était ainsi saisissant entre un Emmanuel Macron sifflé par le public du Stade de France et un Tony Estanguet acclamé à la fin de son discours rassembleur.
« Cette rencontre entre athlètes et supporters va nous marquer pour toujours, parce que les émotions qu’on a vécues nous ont unis, a lancé le patron du Cojop dimanche soir, visiblement ému et un peu fatigué. Qu’est-ce qui crée le sentiment d’appartenance à une famille, à un groupe d’amis, à une nation ? C’est d’abord ce que l’on vit ensemble. […] Cet été, tout un pays a vibré en même temps, devant les mêmes exploits. Au-delà de la langue que l’on partage, au-delà des valeurs que l’on porte en commun, des monuments et des livres d’histoire, ce qui nous lie et nous construit en tant que nation, ce sont les émotions collectives. Ce qui nous lie, ce sont les souvenirs partagés. Et les Jeux nous ont offert de formidables souvenirs communs », a lancé le président du Comité d’organisation, estimant que Paris 2024 avait été « une rencontre de notre pays avec lui-même ».
Paris gagnants face aux sceptiques
« Tony Estanguet a incarné la réussite des Jeux, la fierté retrouvée du pays, ces moments de fête », juge dans Le Parisien Stéphane Troussel, le président socialiste du département de Seine-Saint-Denis. « Comme un sportif de haut niveau, il est concentré sur son objectif, il faut reconnaître qu’il n’a pas beaucoup dévié de sa route. Il est dur en affaires mais dans les quelques moments rugueux qu’on a eus, on a topé. »
Triple champion olympique de canoë aux Jeux de Sydney en 2000, d’Athènes en 2004 et de Londres en 2012, Tony Estanguet devient en 2015 coprésident du comité de candidature de Paris 2024, puis en 2017 président du Cojop. Il affiche alors une grande ambition en promettant des Jeux inclusifs, avec une cérémonie d’ouverture et des sites olympiques et paralympiques au cœur de la ville.
Face aux sceptiques et aux nombreuses interrogations quant à la faisabilité d’une cérémonie d’ouverture sur la Seine, notamment, Tony Estanguet a tenu bon et remporté son pari, s’adaptant systématiquement à ses interlocuteurs, qu’il s’agisse du CIO, des fédérations sportives, des partenaires commerciaux ou des politiques.
Un parcours quasi sans faute tout juste terni par une enquête du Parquet national financier (PNF) sur les conditions de sa rémunération.
« Une intelligence situationnelle et politique »
Un tel CV et une telle popularité ne peuvent laisser indifférent. Et à l’heure où le nouveau Premier ministre français, Michel Barnier, cherche à constituer son gouvernement, le nom de Tony Estanguet est forcément évoqué pour occuper le poste de ministre des Sports.
« Certains l’imaginent effectivement comme ministre des Sports. Être capable de l’attirer, c’est la promesse pour un gouvernement d’avoir les dividendes médiatiques qui l’accompagnent et la perspective de pouvoir compter sur quelqu’un qui sait faire preuve de leadership et qui sait parler à tout le monde. Rassembler Valérie Pécresse, Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Amélie Oudéa-Castéra dans les mêmes endroits, collaborer avec le préfet Laurent Nuñez et auparavant avec le préfet Didier Lallement, ce n’est pas donné à tout le monde. Lui a réussi. C’est la preuve d’une intelligence situationnelle et politique », affirme Jean-Baptiste Guégan.
À lire aussiLa parenthèse dorée des Jeux se referme mais Paris restera toujours Paris 2024
À 46 ans, Tony Estanguet ne serait pas le premier à franchir le pas. Plusieurs anciens champions olympiques sont devenus ministres des Sports par le passé, à l’image de Guy Drut, de Jean-François Lamour, de David Douillet, de Laura Flessel ou de Roxana Maracineanu – tous ayant intégré un gouvernement de droite.
Mais dans l’immédiat, le président du Cojop n’est pas arrivé au bout de sa mission avec Paris 2024. Il doit notamment finaliser les comptes et a déjà indiqué que son travail à la tête du Comité d’organisation durerait au moins jusqu’à la fin de l’année, avant de pouvoir enfin un peu souffler.
« Je vais sortir de Paris 2024 avec cette satisfaction d’avoir mené ce projet à son terme et avec plutôt de la réussite. Donc je me sens capable de faire autre chose et je ne ressens pas le stress de vouloir décider tout de suite. J’ai besoin d’aller au bout de cette aventure, de faire le point, de me reposer et ensuite de retrouver un défi qui va me motiver et je pense qu’il y en aura plein », a estimé Tony Estanguet, dimanche matin, sur franceinfo, tout en jugeant qu’il était aussi possible de « servir son pays sans forcément faire de la politique ».
Le résumé de la semaineFrance 24 vous propose de revenir sur les actualités qui ont marqué la semaine