Livre. Depuis 2019, les éditions du CNRS donnent utilement la parole aux « Grandes voix de la recherche » dans une collection de petits ouvrages où les auteurs retracent leur parcours et expliquent leurs travaux. Après l’historienne Michelle Perrot ou la climatologue Valérie Masson-Delmotte, c’est l’écologue Sandra Lavorel, Médaille d’or du CNRS en 2023, qui, dans Les Ecosystèmes, un bien commun (CNRS éd., 64 pages, 9 euros), nous entraîne à la découverte de la discipline qu’elle a contribué à créer, l’écologie fonctionnelle, devenue centrale pour faire face aux crises environnementales.
Dans les années 1990, les écologues ont proposé la notion de « service écosystémique » pour caractériser la façon dont les milieux de vie et les organismes qui les habitent participent à la bonne santé des sociétés humaines, par exemple en pollinisant les cultures ou en contribuant aux grands cycles du carbone ou de l’eau.
C’est dans les prairies d’altitude de la vallée de la Haute-Romanche, dans les Alpes, que Sandra Lavorel documente depuis 2003 cette précieuse contribution et les conditions nécessaires à son maintien. Dans ces territoires de montagne, elle cartographie soigneusement les parcelles, répertorie les espèces et les classe, non pas selon leur identité mais selon leurs fonctions : par exemple la vitesse avec laquelle les feuilles d’une plante se décomposent ou la capacité de ses graines à se disperser. Un travail de fourmi, aussitôt intégré à une base ouverte regroupant les données de plus de 300 000 espèces végétales dans le monde.
Au carrefour du vivant et du social
Ces informations, combinées avec celles de modèles climatiques et économiques, permettent de simuler les scénarios d’évolution des fonctions essentielles de ces écosystèmes, selon le mode d’exploitation des sols et la hausse des températures. Ce travail de modélisation se révèle précieux pour éclairer l’action publique. La directrice de recherche au CNRS a notamment travaillé avec la ville de Grenoble pour imaginer l’avenir des prairies alpines en fonction des choix économiques, entre libéralisation complète du marché (entraînant « un quasi-abandon de l’agriculture de montagne ») et protection renforcée.
Si l’infatigable ambassadrice des écosystèmes est aux premières loges pour observer la dégradation brutale de ces puits de biodiversité, elle décrit aussi leur formidable capacité de restauration, lorsque des mesures de protection sont adoptées. Au carrefour des sciences du vivant et des sciences sociales, son travail met en lumière les bénéfices des liens entre recherche académique et action publique.
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