Pourquoi Danone retire le Nutri-Score de ses produits laitiers à boire
Cinq de ses marques sont concernées, d’Actimel à Activia en passant par Danonino et pour lesquelles la notation est dégradée. La multinationale proteste contre la nouvelle version de l’indicateur nutritionnel qui pénalise selon elle ses produits.
Les effets du nouveau Nutri-Score n’ont pas tardé à se faire sentir. Cet étiquetage arc-en-ciel du vert au rouge qui classe de A à E les produits alimentaires en fonction de leur qualité nutritionnelle est désormais bien connu des consommateurs comme des industriels. Mais la première version de l’indicateur mis en place en 2017 a été revue en début d’année. Une mise à jour qui a surtout concerné les boissons. Et comme il fallait s’y attendre, cette révision fait des mécontents.
Le groupe Danone vient d’annoncer qu’il allait retirer avec effet immédiat le Nutri-Score des emballages de ses produits laitiers et d’origine végétale à boire. Ces types d’aliments appartenaient à la catégorie des aliments solides. Le comité scientifique à l’origine du nouveau calcul les a basculés avec les boissons où seule l’eau peut se targuer de décrocher un A. Les laits écrémés et demi-écrémés héritent désormais d’un B.
Danone met en cause la méthodologie retenue
Le retrait acté par Danone concerne les marques Actimel, Danonino, Danone, Activia et Hi-Pro, soit cinq références dans le catalogue de la multinationale qui en comporte vingt-sept. Le groupe met en cause la méthodologie retenue pour revoir les notations. « Elle apporte une vision erronée de la qualité nutritionnelle des produits laitiers à boire, indique un porte-parole. Et elle ne soutient pas les efforts et les investissements de reformulation, et entraîne donc de la confusion auprès des consommateurs. »
Jusque-là, le yaourt à boire Actimel bénéficiait d’une très belle note B. Or avec la nouvelle formule, elle est passée à D et même E pour la version multifruits. Une dégradation incompréhensible pour Danone, pourtant pionnier dans l’affichage du Nutri-Score à son avènement et qui dénonce la différence de notation existant désormais entre ses yaourts à manger et leurs versions liquides. « Notre yaourt à boire Danonino destiné aux enfants est dégradé à D comme un soda sucré », déplore un porte-parole de la multinationale qui souligne que sa version consommée à la cuillère « garde son B avec des valeurs nutritionnelles similaires ».
« Une posture avant tout marketing »
Une argumentation que réfute le nutritionniste à l’origine du Nutri-Score première version, le professeur à la Sorbonne Paris Nord, Serge Hercberg. « La quantité de sucres est similaire, reconnaît-il. Mais la version à boire ne se consomme pas de la même façon qu’un yaourt ordinaire, souvent en dehors des repas et peut amener à une surconsommation chez les enfants ou les adolescents. »
Le spécialiste qui rappelle qu’on parle quand même d’aliments « avec 10 g de sucre par litre », défend le travail de ses collègues membre du comité scientifique ayant procédé « de manière indépendante » à la révision du Nutri-Score. Selon lui, en décidant de retirer ce dernier, Danone mais aussi le groupe Ecotone, propriétaire de Bjorg qui a lui aussi opté pour la même stratégie il y a quelques mois, prennent « avant tout une posture marketing ». « Ils gardent la notation quand cette dernière les arrange. »
Un affichage pour le moment facultatif
De son côté, l’association de consommateurs Foodwatch évoque « une marche arrière inadmissible » de la part du groupe alimentaire français. « Que Danone ne nous fasse plus croire qu’elle se préoccupe de la santé des consommateurs », ose Audrey Morice, chargée de campagnes de l’organisation.
Cet épisode va relancer le débat autour d’un étiquetage harmonisé au niveau européen que réclame d’ailleurs Danone, mais de manière « scientifiquement étayée ». Pour le moment six pays en dehors de la France l’ont adopté parmi lesquels l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse. Mais l’Italie fait de la résistance et le Portugal l’a abandonné.
La décision du poids lourd européen de l’agroalimentaire pose aussi la question du caractère facultatif du Nutri-Score. À l’heure actuelle, seuls 26 % des produits en rayons l’affichent. Une absence de contrainte régulièrement dénoncée par les associations de défense des consommateurs. « C’est le client qui au final est le plus pénalisé avec une absence d’informations », dénonce à ce sujet Serge Hercberg.